Il est un secret pour personne qu’en Chine aucun article ne peut aller à l’encontre de la politique décidée en haut lieu ! Et on peut dire que les médias sociaux ne peuvent publier que ce qui va dans le sens des desiderata profonds de l’omniprésent chef Xi Jinping.
Facebook est bloqué en Chine mais les Chinois ont son équivalent : Weixin.qq.com dépendant du groupe Tencent dont l’app WeChat réunit un milliard d’utilisateurs.
Alors on est en droit de se demander : pourquoi en l’espace d’une semaine deux sites d’histoire (les plus visibles) publient des études sous forme de rappel historique qui ont comme sujet la Sibérie ?
Le site Shi Feng (Le vent de l’Histoire) de la province d’Anhui publie le 6 juin un grand article dont le titre est très évocateur : « La Sibérie, qui est plus grande que la Chine, comment les Russes l’ont-ils obtenue ? » .
Une semaine plus tard le site Jindai shi quianyan (Frontières de l’histoire moderne) de la province de Jiangsu rejoint cette tendance en publiant un article le 11 juin dont le titre sur la Sibérie est -assez long mais explicite est : « A cette époque, des millions de soldats soviétiques voulaient envahir la Chine, mais ils ne l’ont finalement pas fait : de quoi l’Union soviétique avait-elle eu peur ? ».
Dans ces deux articles une seule idée se dégage : la Sibérie était chinoise !
Pourquoi aujourd’hui ? La Chine voudrait-elle profiter de la « bêtise » de Vladimir Poutine pour récupérer cette Sibérie riche en ressources naturelles, notamment en minerais en diamants et même en charbon et surtout de l’or (84 % des réserves d’or connues de la Russie) s’y trouvent ?
Une question qui est légitime au vu des agissements de la Chine avec les frère russe malgré un accord historique de coopération conclu le 4 février de cette année 2022, souffler le chaud – ne pas condamner la guerre de Poutine- et le froid -appliquer les sanctions en apparence.
Ce qui nous mène en … Sibérie !
Des historiens ont suffisamment insisté sur le fait que les Russes sont originaires des Slaves d’Europe de l’Est, et ce depuis des milliers d’années, tandis que la Sibérie est située dans l’extrême nord tout près des grands espaces « mongol ».
Comment les Russes ont-ils obtenu un tel trésor ? se demande un historien.
Le nom “Sibérie” est dérivé du mot mongol “Sipol“, qui signifie “terre boueuse“. Cette terre est le berceau de nombreuses nations anciennes : Xianbei, Turcs, Rouran et Xiongnu qui forment la grande Sibérie.
Puis par une esquisse de critiques à l’encontre de l’ancien régime, plusieurs articles trouvent « dommage que les dynasties chinoises se soient très peu intéressées à la gestion de la plaine sibérienne », qui jouissait d’une l’autonomie et conservait ses coutumes.
Un rappel historique qui rejoint d’autres revendications chinoises dans l’Asie du Sud surtout quand on lit : « La Sibérie a toujours été utilisée comme terre territoriale et payait un tribut régulier ». Lier le fait de payer un tribut à la Grande Chine est l’argument pseudo-juridique utilisé dans plusieurs dossiers de revendications territoriales sur les îles de la Mer de Chine, des revendications de plus en plus affirmées et qui font trembler le Sud-Est asiatique.
On peut lire dans ces articles que « pendant la dynastie Yuan, la cour Yuan ayant la Sibérie à la province de Lingbei et la province de Liaoyang, et le tout sous la juridiction administrative centrale ». Et que « pendant la période de la dynastie Tang, toute la Sibérie et la partie nord des prairies de la Mongolie extérieure étaient sous la juridiction de la dynastie Tang ».
Ces articles font remonter l’histoire des premiers contacts de la Chine avec la Sibérie à la dynastie des Han. Et de citer « Huo Qubing, un général de la dynastie Han, a vaincu les Xiongnu et a poursuivi le roi Zuo Xian jusqu’aux Hanhai, où il vivait à Guyan, qui est maintenant la rive du lac Baïkal ». Là on est en … Russie le lac Baïkal est le grand lac très ancien situé en Russie très au nord de la frontière mongole.
En plus des rappels historiques il y a la géopolitique qui enferme les relations internationales dans des carcans de réalités tangibles.
Depuis l’invasion de l’Ukraine la Chine est très mal à l’aise avec la Russie, elle ne peut la soutenir dans son « opération spéciale », surtout que Pékin est attachée au maintien des frontières internationales. C’est la raison pour laquelle la Chine n’a ni condamné si soutenu l’invasion russe de l’Ukraine. Elle s’est abstenue lors des divers votes à l’ONU sur le sujet.
Mais la Chine apparait comme est un partenaire fort de la Russie, elle s’est opposée à ce que les Russes soient exclus du prochain sommet du G20, mais jusqu’à ce jour son soutien ne prend pas la forme de livraisons d’armes.
Sans avoir des preuves, il semble que la Chine aide à contourner les sanctions financières de façon parcimonieuse sans passer par les grands réseaux financiers donc acheter et vendre des produits sans utiliser le dollar, l’euro ou le yen, et cela à travers des petites banques régionales.
Pékin en agissant de la sorte et de façon discrète permet à la Russie de ne pas être asphyxié complétement, tout en ne pénalisant pas son propre commerce avec la voisine du Nord sans pour autant subir elle-même les sanctions occidentales qui menacent ses exportations dans le cas d’un flagrant délit de contournement de ces sanctions.
Pourtant la Chine est opposée au principe des sanctions hors des décisions de l’ONU, mais elle apparaît aux yeux des Européens comme un soutien en s’abstenant d’aider la Russie.
Dans ce cas on est en droit de se demander si la Chine ne suit pas une stratégie à double tranchant :
- Rester un partenaire essentiel des Occidentaux ce qui pourrait remettre en cause son encerclement -à venir- du côté de l’Indopacifique en divisant l’alliance entre Européens et Anglo-saxons.
- Cette aventure de Poutine va affaiblir son voisin du Nord sans le mettre à genoux ce qui le rendra dépendant du voisin du Sud.
Le prix à payer pour la Russie ? La Sibérie est très riche et a beaucoup d’espaces non occupés et la Chine a un territoire exigu et une très forte démographie.
C’est dans cette perspective qu’il faudrait lire la profusion d’articles rappelant l’histoire de la Sibérie … chinoise !